Nous avons acheté notre Amphitrite 43 début 2003. Depuis cette date, nous avons navigué six saisons avec lui, soit quasiment une année de navigation en continu, allant vers la côte espagnole, Minorque, Majorque, la Sardaigne, la Corse, la Côte d'Azur, la Sicile, la Grèce et la Turquie. Nous - c'est-à-dire ma femme, mon fils de 12 ans et moi-même - avons pu tester le bateau dans des situations de mer et de vent très différentes, à la voile et au moteur, et, durant les 8 000 MN que nous avons parcourus, nous n'avons jamais été déçus par son comportement marin, son confort et le niveau de sécurité exceptionnel qu'il offre.
Ces 8 000 MN sur la Grande bleue ne sont pas grand chose par rapport au parcours effectué par le propriétaire espagnol de l'Amphitrite relaté dans l'article de « Voiles et voiliers » de janvier 1997 (voir rubrique Téléchargements) : « 90 000 MN en Amphitrite ». ANDORRA (n° 100) a été construit et mis sur le marché à peu près au même moment que le nôtre (n° 98).
L'Amphitrite est effectivement un bateau de voyage construit de manière artisanale et conçu pour le voyage au long cours. Rien à voir avec un Oceanis, un Sun Odyssey ou un Bavaria, qui sont des bateaux de loisir ou de vacances construits selon des procédés industriels.
Ses qualités premières sont le confort, l'espace, la sécurité, la solidité et la puissance. Par vent de force 8 avec rafales de 45/50 nouds (nous avons connu cette situation encore en 2006 dans les bouches de Bonifacio), il a un comportement parfaitement sain : son lest de 4,5 tonnes, une bonne répartition des poids et sa quille longue lui confèrent une stabilité étonnante et lui permettent d'affronter sans dommage des mers particulièrement houleuses ; le cockpit central, assez haut et couvert par une capote, protège l'équipage des embruns, et une voilure réduite (demi-génois + artimon ou GV arisée) lui offre la motricité dont il a besoin. Quant à la rigidité et à la résistance de l'ensemble, elles sont tout bonnement stupéfiantes.
En 2007, seul à bord d'Athènes à Finike (je navigue seul de temps à autre et, étant un retraité en assez bonne santé, j'arrive à maîtriser plutôt bien le bateau), j'ai été surpris par un coup de meltem de force 9 aux environs de l'île de Symi ; le bateau a surfé à plus de 11 noeuds sur une mer dure sans le moindre tremblement et le pilote l'a parfaitement maîtrisé, tant l'Amphitrite est bien équilibré.
La qualité des matériaux, les gabarits utilisés et la construction artisanale ont évidemment un poids et un prix ; mais la solidité du bateau semble être à toute épreuve. Un exemple : toute la menuiserie intérieure est en teck de Birmanie, qui est pratiquement resté ce qu'il était il y a un quart de siècle, tout comme le contre-moulage.
Par ailleurs, c'est un bateau où il fait bon vivre. La cabine arrière surdimensionnée (pas loin de 12 m2 avec le cabinet de toilette) est impressionnante et d'un confort inégalable. Après l'Amphitrite, on doit avoir du mal à s'installer dans une cabine arrière conventionnelle sous cockpit. Quant au cockpit central, il est profond et spacieux.
Les seuls voiliers des années 80 qui puissent lui être comparés sont le Hallberg Rassy 42 et le Maramu.
Que peut-on lui reprocher ? Les défauts de ses qualités.
Il est lourd, plutôt encombrant et pas vraiment à l'aise dans les manoeuvres de port. Pour le faire avancer, il faut du vent. Disons qu'au-delà de 10 nds il commence à s'animer vraiment, mais c'est entre 15 et 25 nds qu'il donnera le meilleur de lui-même, toute toile dessus et, s'il y a des surventes, il encaissera sans broncher et la gite restera modérée. Dans les ports, étant donné sa masse, sa hauteur sur l'eau, sa quille longue et son large et profond gouvernail, il faut apprendre à le manoeuvrer. Au début, on se demande comment on va arriver à le caser dans un mouchoir de poche ; puis, avec l'habitude, on comprend ce qu'il faut faire et pourquoi il ne tourne pas sur place comme un Sun Odyssey.